J’adore regarder danser les gens ! Au Vivat la danse

vendredi 2 février 2018, par par Pascale Logié

Et je vois, j’entends et je retiens… chez Superama, super « nanas » 3 sorties de résidences Happynest 2017

Amélie Poirier, Voilées
Fille d’une lignée de brodeurs et de brodeuses dans le Cambraisis, Amélie Poirier nous convoque dans un propos autobiographique. En prenant comme prétexte un discours sociétal engagé sur la question du voile, la metteure en scène, conceptrice de talents inédits, est en perpétuel travail de recherche sur l’autre comme phénomène singulier, social et culturel. C’est à travers une prospection existentielle à la fois caustique et salvatrice que la dramaturgie de ses pièces se conçoit. Partant d’une mythologie familiale, Amélie Poirier dévie ici dans une longue tirade en empruntant la voix d’une jeune iranienne sous une forme faussement documentaire qui peut poser question.

Un enchevêtrement de vêtements empilés sur la tête de l’interprète puis une série de jeux avec des voiles en dentelle répond dans l’espace à une suite de généralités dans le texte. Causerie oscillant entre revendications féministes et réflexions sur le religieux et la spiritualité laïque.
C’était joli, dommage que l’on n’ait pas d’images. Ce spectacle est une bonne adresse pour un public ados. Le Voile ne fait pas toujours dans la dentelle.

Marion Sage, en-voût,
Jeune chorégraphe, Marion Sage vient de terminer sa thèse qui va puiser du côté de l’expressionnisme allemand. Forte de cette expérience et au risque de s’y perdre, la chorégraphe s’attache à décortiquer le phénomène de l’envoûtement. Malgré les difficiles conditions de studio ce jour là, les aléas de la sortie de résidence et l’absence de création lumière Marion nous tient et nous a "rallumé les yeux". En dépit de l’absence de moyens techniques, la monstration fonctionne et fait son effet terrifiant. Au-delà de l’iconographie des regards hagards, extasiés et du pouvoir de la voix (elle nous invite à imaginer sa disparition dans l’obscurité) elle nous réapparait en effet telle qu’elle nous a laissé imaginer. Angélique et méphistophélique à la foi(s). Cette esthétique du contraste, de la faille où le corps devient porteur d’états antithétiques se manifeste par une figure immobile mais qui semble se mouvoir, se contracter. S’agit-il de scènes médiévales religieuses passées au prisme ? S’agit-il d’une apparition, d’une représentation ? L’évocation de Jeanne d’Arc comme référence mystique et mythique qui continue de hanter l’inconscient collectif est prétexte à faire surgir la figure hypnotique de la sorcière.
Les trois interprètes se glissent dans les corps de sorcières contemporaines, telle la figure féminine de la révolte qui veille.

Naïm Abdelhakmi / Ardestop - In Mortem
Je m’apprête à découvrir le travail de la compagnie aderstop. Mais quelle heureuse surprise que de retrouver Cyril Viallon dans cette forme émergente de la nouvelle création. Cyril est une figure emblématique du paysage lillois en danse. Du Grand Bleu au Gymnase, c’était les années 90 d’un siècle précèdent. Il se consacre désormais aux formes théâtrales performatives.

Un Méphisto contemporain en costard trois pièces gris acier nous toise tout en mâchonnant bruyamment son chewing -gum, mauvais garçon à la figure maligne. Il arpente les contours de la scène. Surgit une musique aux sonorités trip hop qui provoque en lui une suite de chutes et virevoltes violentes. Scène de bataille solitaire comme possédé par des démons invisibles. Entre deux mâchouillages d’un chicklet dont il tente les limites du degré d’élasticité, il se déchoie plusieurs fois avec brutalité. Alors, il prend la parole et énonce de manière agressive une suite de morts plausibles ; de l’accident à la maladie. Googlisation d’une suite de statistiques qui nous rappelle à notre triste sort de mortel. Comme on nous crache à la face. « Le seul immortel vivant vient à votre rencontre !  » De quoi en interpeller quelques-uns.
La mort comme remède au vivant et la question scientifique du Trans-humanisme sont posés par un montage vidéo regroupant des extraits documentaires pseudos scientifiques.
Avant de conclure sur le goût que pourrait avoir un chewing-gum de 120 ans.