Dialogue d’après nature

samedi 3 février 2018, par par Ludwig Monnier , Madeline Wood

L : Je suis embêté parce que j’ai aucune idée de ce que je vais pouvoir écrire sur D’après nature pour le carnet de bord.
M : T’as pas aimé ?
L : J’ai pas été touché.
M : Moi non plus. Ça veut pas forcément dire que j’ai pas aimé.
L : T’as aimé quoi du coup ?
M : Bah, la simplicité du décor, des costumes… Ils n’ont pas cherché à mettre des fioritures autour de leur discours.
L : Justement je trouvais ça déjà-vu, et que la simplicité n’était pas là pour servir un propos.
M : C’était quoi le propos pour toi ?
L : Bah, c’est ça en fait, il n’y en avait pas vraiment. J’ai vraiment le sentiment que l’enregistrement de l’entretien qui porte la pièce est un prétexte pour être sur scène. Hors de ça je ne vois pas l’intérêt. Je ne me sentais pas concerné par leur discussion.
M : Moi je me suis laissé portée par leur conversation, comme si j’étais assise dans ce canapé avec eux à les écouter parler de leur vie, comme toutes ces discussions qu’on a entre amis qui ne mènent à rien à part de passer un bon moment à parler ensemble. Je m’en fichais si ça ne m’apportait pas grand chose, j’ai aimé les regarder construire cette danse devant nous, simplement. En plus avec leur jeu de « statues », l’un sculpte l’autre, comme pendant la ronde, on avait le temps de garder en mémoire le geste passé… C’est comme s’ils dessinaient la partition devant nous en fait.
L : ça me donnait plutôt l’impression d’assister à une recherche en cours… ou un atelier de présence corporelle, où tu dois t’ajuster à l’autre, t’adapter à sa forme, prendre sa place et le laisser partir pour voir la trace qu’il laisse. C’est cool à vivre, mais je ne vois pas ce que ça apporte de le montrer. En fait, ils partaient du jeu de mot entre « figuration » et « figure » pour montrer les figures que l’un fait prendre à l’autre, comme autant de statues, ou d’instants suspendus. Le jeu sur le mot me paraît trop simple pour tenir quasiment une heure dessus.
M : Nan mais la chorégraphie était quand même construite ! Il y avait des variations, des silences, des pauses pour lire, pour écouter… et d’ailleurs le plateau nu laissait toute la place pour leurs voix et leurs silences. Après en général j’aime bien quand on voit en tant spectateur comment un artiste a réfléchi sa pièce. C’est un peu comme entrer dans les coulisses ou feuilleter son carnet. Là on avait leur discussion de base qui a été l’élément déclencheur, des bouts de la vie de l’auteur en surtitre, où il expliquait pourquoi ça l’amusait d’entendre cette histoire, cet épisode de la vie de son pote. Et toute cette construction chorégraphique, comme un nouveau langage qu’ils ont en commun.
L : Tant mieux s’ils ont trouvé un langage commun et s’ils ont pu expérimenter ça, poursuivre leur discussion par d’autres moyens que les mots et l’exposer à d’autres. Je resterai de ceux qui n’ont pas été touché.