Eblouissements

samedi 3 février 2018, par par Ludwig Monnier

L’honnêteté m’oblige à dire que je n’ai vu aucune maladresse hier soir. Elle me fait également avouer que le rapport avec l’argument initial de la pièce m’importe peu.
La Maladresse s’est emparée de moi. Elle m’a fait vivre une expérience au-delà de tous repères temporels ou spatiaux. Elle est venue faire vibrer en moi le point où je me sais éternel, sans début ni fin, participant d’un ensemble qui me dépasse et me contient. Un flot contenu.
J’ai été grec, dans l’Antiquité, transporté dans un amphithéâtre anguleux, spectateur des spectateurs venus communier pour une transe collective insoupçonnée. J’ai assisté à la danse d’une pythie, pieds nus dans la neige. Ses pas laissaient d’invisibles empreintes, dignes de l’animalité que ses gestes convoquaient.
Sous mes yeux, elle a disparu.
Fondue dans la nappe sonore suscitée par deux musiciens. Assis en tailleur derrière leurs instruments électroniques, koto du XXIème siècle, ils participaient à l’évocation d’un Japon rêvé. La blancheur du sol réverbérait aussi bien la dorure du soleil levé au-dessus de leurs têtes que le bleu d’une pleine lune mystique, comme on le disait des initiés des mystères orphiques.
L’essentiel était là, manifesté par des formes simples et la pureté de la lumière, à l’instar du trait vivant du calligraphe duquel naît un paysage.
Eblouis par le soleil auquel nous faisions face, rayonnants de celui que nous portions, autant de résonances vibrant à l’unisson.