Lettre à Ondine

vendredi 26 janvier 2018, par par Ludwig Monnier

Je te suis, reconnaissant.
Ondine tu as la malice caractéristique des enfants et des sages, qui disent toujours plus qu’ils ne veulent bien le dire, qui savent que l’essentiel est à portée d’expérience dans chaque occasion du quotidien, que l’essentiel se donne en pure perte, pour le seul plaisir de se dépenser. Etre traversé par ce courant, c’est la grâce.
Tu es une chamane qui apprivoise les couleurs. Une mystique qui puise à l’expérience. Une éveillée qui transmet la présence.
Comme toute chamane, mystique, ou éveillée, tu préfères rester dissimulée, passer incognito.
Tu te caches sous nos yeux, dans la lumière, vêtue d’une chemisette fleurie et d’un short rose. L’espace et la lumière suffisent pour des corps.
Tu suscites l’essentiel pour qui veux prendre le temps d’y être présent.
Tu es une sage. Tu es la sagesse. Tu t’absentes pour faire place à la présence.
Tu m’amènes quelque part, et tu es déjà ailleurs.
Tu as toujours un corps d’avance.
Tu es ailleurs, et je suis, ici.
Je te suis, reconnaissant, comme on ne peut faire autrement que suivre, toujours avec un petit décalage, un grand écart, parfois.
« Peut-être que ça peut finir avec cette idée : on est là pour créer des souvenirs, peut-être ? ».
Et si nous n’étions là pour rien d’autre qu’être ? Les souvenirs fleurissent accidentellement du cœur de la rencontre. La vivre reste le cœur.
A la manière des grains de sel et de sable qui se mêlent dans le ressac. Après cette rencontre, qui pourra dire où finit la mer et où commence la plage ? Personne ne sera là pour s’en souvenir. Une rencontre en deçà des mots, au-delà des images ; dans l’intervalle entre chaque mot, chaque image.
Là se niche la grâce que tu as su mettre en lumière sans rien exposer. Tu invoques la grâce, évoque son jeu dans ce corps qui nous relie. Après ce spectacle, toi ni moi ne sommes plus tout à fait les mêmes. Ainsi de tous ceux présents. En corps à courir après ceux que nous devenons.
Se souvenir, c’est comme essayer d’attraper de l’eau. Ce que les mains sont incapables de saisir, le corps le retient.
Et c’est à toi que je dois d’apprendre à nouveau cela. A la manière des enfants et des sages, tu enseignes, sans en avoir l’air, ni conscience toujours.
Ainsi Ondine, je te rends grâce pour grâce.
Je te suis, reconnaissant.